Le nouveau film de Park Chan-wook, « Eojjeolsuga-eopda », dévoilé : entre comédie noire et critique sociale

Une sortie très attendue

Enfin dévoilé en ouverture du Festival International du Film de Busan, « Eojjeolsuga-eopda » est le nouveau long-métrage de Park Chan-wook, un réalisateur dont chaque œuvre est un événement. Le film, objet de toutes les attentes, avait également suscité une pointe de déception en ne remportant pas de prix à la Mostra de Venise. Il n’en reste pas moins qu’il est perçu comme une œuvre cruciale, un potentiel sauveur pour un cinéma coréen qui peine ces dernières années à capter l’attention de la critique internationale. L’immense intérêt médiatique lors de sa présentation en août dernier à Venise témoignait de l’urgence de ce succès, porté par un cinéaste reconnu mondialement pour son style d’auteur unique.

Une descente aux enfers burlesque

« Eojjeolsuga-eopda » est une adaptation du roman « The Ax » (Le Couperet) de Donald E. Westlake, un projet que Park Chan-wook mûrissait depuis longtemps. L’histoire suit Mansu (interprété par Lee Byung-hun), un cadre supérieur dans une papeterie dont la vie bascule suite à un licenciement inattendu. Son rêve de classe moyenne – une belle maison en banlieue, des enfants épanouis, une épouse heureuse et même deux Golden Retrievers – se brise en mille morceaux. Alors qu’il pensait retrouver un poste en trois mois, il enchaîne les échecs. La raison est simple : ses concurrents, bien plus diplômés que lui, ont des CV bien plus solides. Poussé par les mots de sa femme, Miri (Son Ye-jin), qui lui dit de « revenir après les avoir tous tués », il décide de prendre cette suggestion au pied de la lettre et d’éliminer physiquement ses rivaux, un par un.

Une galerie de personnages hauts en couleur

Le film met en scène une mosaïque de personnages dont les destins s’entrecroisent dans cette compétition acharnée pour l’emploi. L’affiche de Mansu, avec la légende « Chérie… je suis en pleine guerre, là », capture son désarroi. Celle de Miri, son épouse, révèle sa complicité indéfectible : « Si tu fais quelque chose de mal, je le fais avec toi, compris ? ». Autour d’eux gravitent d’autres figures marquantes : Seonchul (Park Hee-soon), le contremaître charismatique qui clame « Un doigt de whisky après le travail ! C’est pour ça que je vis », ou encore Beommo (Lee Sung-min), un concurrent au chômage qui hurle de désespoir : « Un chômeur n’a-t-il donc pas le droit d’aimer ? ». Chaque personnage, y compris Ara (Yum Hye-ran), l’épouse de Beommo, et le mystérieux Sijo (Cha Seung-won), apporte sa propre saveur à ce drame social intense.

Une comédie noire qui ose le slapstick

Si la plupart des œuvres de Park Chan-wook intègrent des éléments de comédie noire, comme dans Thirst ou Lady Vengeance, « Eojjeolsuga-eopda » place l’humour et le slapstick au premier plan. Dès la séquence d’ouverture, le ton est donné. La scène où Mansu fait un barbecue dans son jardin se déroule sous un ciel artificiel et cartoonesque, rappelant celui de The Truman Show, comme si des nuages de coton avaient été collés sur une feuille de papier bleu. Ce tableau idyllique de la famille de classe moyenne n’est que le prologue d’un « conte de fées cruel ». Cette caricature se transforme en slapstick pur lorsque Mansu passe à l’acte. Sa première tentative d’élimination, contre Gu Beommo (Lee Sung-min) et sa femme Ara (Yum Hye-ran), donne lieu à une longue séquence de combat corps à corps filmée comme un match de catch.

Un rythme inégal et un humour qui s’étire

D’une durée de 148 minutes, le film consacre une part substantielle de son temps à ces situations comiques et burlesques. Le problème est que ces scènes, souvent très longues, peinent à déclencher le rire. En résulte une comédie certes bien ficelée sur le plan technique, mais qui, à force d’étirer ses gags, finit par sembler ennuyeuse. On peut regretter que le réalisateur semble avoir mal dosé ses ingrédients fétiches. Park Chan-wook excelle habituellement à « saupoudrer » ses thrillers de touches d’humour noir à des moments inattendus ; ici, la comédie envahit tout et perd de son efficacité.

Un hommage cinéphile

Cependant, « Eojjeolsuga-eopda » n’est pas dénué de qualités et possède des points qui raviront les admirateurs du réalisateur. Le film est truffé de références à des maîtres du cinéma qu’il vénère, comme Alfred Hitchcock ou Yu Hyun-mok. Par exemple, la rage de dents qui tourmente Mansu après son licenciement est un clin d’œil direct au personnage de Cheol-ho dans Obaltan (Le Bilan), rongé par la pauvreté et une douleur dentaire. De même, la scène où Mansu doit se rendre au commissariat avec le corps de Sijo dans son coffre est une variation ingénieuse de la fameuse scène de Rope (La Corde) d’Hitchcock, où deux amis organisent une réception autour d’un coffre contenant un cadavre.

Avec son casting de premier plan, sa mise en scène soignée, sa magnifique direction artistique et son propos audacieux, « Eojjeolsuga-eopda » est une œuvre qui ne laisse pas indifférent. La sortie du nouveau film de Park Chan-wook est prévue en Corée du Sud pour le 24 septembre.